Les origines de la Gestalt-thérapie 2/2

par | 16.11.2020 | Gestalt

La Gestalt-thérapie a des origines multiculturelles.  Elle a vu le jour au début des années 50 aux Etats-Unis, à l’initiative de Friedrich (Fritz) Perls et de sa femme Laura, psychologue. Leur travail a également été inspiré par la psychanalyse de Freud et de Jung, par l’analyse caractérielle de Wilhelm Reich, par le courant philosophique existentialiste de Buber et Tillich, la phénoménologie de Husserl, et par les spiritualités orientales, comme le taoïsme et le zen. Elle s’est développée ensuite en Europe dans les années 70 et représente aujourd’hui un courant majeur en psychothérapie dans le monde. Elle est enseignée dans de nombreuses universités à l’étranger et c’est également l’un des courants psychothérapeutiques reconnus par l’Association Européenne de Psychothérapie.

La philosophie orientale : et si c’était le Foie ?

Le mot allemand Gestalt contient la notion de « forme complète ». Selon Shepard (2014), « cette notion pourrait se rapprocher du concept oriental du Tao, et qui signifie la Voie ». Le Tao (appelé Do au Japon) est un grand principe universel, indéfinissable, accessible uniquement à l’intuition. Cette philosophie ancienne de plus de cinq mille ans, orientée vers la recherche de la bonne santé, avait déjà pris en compte les lois du Ciel et de l’Univers, ainsi que les rythmes terrestres, puis, selon un mouvement descendant, transposé ces lois naturelles dans la philosophie des soins, qui sont encore d’actualité dans la médecine traditionnelle : l’extérieur (visible) est présent avec l’intérieur (invisible) ; le froid avec le chaud, le vide avec le plein, le microcosme avec le macrocosme. « La notion de Gestalt, en ce sens, pourrait s’apprécier comme le symbole chinois du Yin et du Yang, où l’un nécessite l’autre, et les deux sont nécessaires pour former un tout cohérent, car l’un n’a aucun sens sans l’autre. Nous avons là aussi les prémisses de la notion de champ, composé de l’organisme et de son environnement ». 

Delacroix (2006) retrace l’itinéraire de Perls dans l’élaboration de la Gestalt : « C’est au Japon qu’il découvrit la méditation zen et l’on peut penser qu’il fut très influencé par cette démarche qui consiste à se centrer sur soi, à être dans la conscience  de l’expérience immédiate et dans le continuum de cette expérience. On retrouve là les bases du concept d’awareness, que nous définissons par  ‘conscience  immédiate du champ’ ou ‘conscience  primaire’». 

Auparavant, on peut également considérer comme une démarche phénoménologique celle qui a conduit les Chinois, il y a environ 2500 ans, à observer puis à envisager les relations entre l’être humain et l’univers comme un échange entre le ciel et la terre. L’homme « couvé par le ciel » est « porté par la terre ». L’existence humaine se déroule dans ce vide médian et, selon la Médecine Orientale, l’être humain dispose de capacités d’auto-guérison, qui sont mises en avant lors des consultations médicales. C’est pourquoi dans la Chine ancienne, le médecin était payé quand son patient était en bonne santé, et s’il tombait malade, le médecin n’était plus payé jusqu’à ce qu’il le guérisse.

Dans un registre inspiré de la médecine chinoise, orientée vers la recherche de l’équilibre et de la santé, Ohashi, (1997), spécialiste de l’art du toucher Shiatsu, rappelle les 4 idées de base du diagnostic.

  • Tous les phénomènes sont constitués d’opposition. Ceci peut être mis en parallèle avec les polarités évoquées par Perls (1978).
  • Chaque être humain est un tout unifié : corps, âme, esprit forment une entité énergétique, non soumise à division. La vie psychique ne peut donc être dissociée de la vie physique.
  • Le tout est perceptible dans n’importe laquelle de ses parties, ce qui veut dire que dans n’importe quelle partie individuelle du corps, jusqu’à la cellule, il est possible de voir le fonctionnement de l’ensemble.
  • L’énergie circule à travers le corps en motifs merveilleusement organisés, ou conduits, nommés méridiens. 

Le résultat de ces observations millénaires a permis de faire des liens entre les domaines physique et psychique. Parce que le corps, l’âme et l’esprit  sont un, forment un tout, chaque caractéristique, d’ordre émotionnel, intellectuel ou spirituel, possède un organe physique correspondant, et un trajet spécifique sur le corps, appelé Méridien. Cette vision poétique nous dit que la créativité  et la capacité à faire des choix et à planifier sont régis par l’Elément Bois : Foie, siège symbolique de l’âme psychique, et Vésicule Biliaire, et se nourrissent entre autres de l’énergie ancestrale et vitale (Elément Eau : Reins, Vessie, correspondant à la transmission parentale, ancestrale, et à l’élimination) et est en lien avec l’élément Métal : Poumons, siège symbolique de l’âme corporelle,  et Gros Intestin, qui sont associés à la respiration, et à la communication avec soi et avec les autres. « Son énergie émotive (le Foie) permet de développer des qualités psychologiques comme la décision, le contrôle, le développement, la vie relationnelle. Sur cette base d’équilibre émotif et psychologique, s’élaborent les qualités spirituelles reliées au Hun (l’âme psychique), soit l’imagination, la créativité , la vision, la conscience  spirituelle et l’élan. » (Tremblay, 2012). La médecine manuelle (respiration, mobilisations, etc…) étant aussi l’un des piliers de la médecine orientale, le travail en Shiatsu par le toucher corporel et certains mouvements permettent d’identifier des blocages, appelés « tsubos », qui, fréquemment, permettent de laisser émerger des émotions anciennes non exprimées.

Quant au diagnostic oriental, « Se servir du diagnostic Bo Shin (observation et ressenti par les sens et l’intuition), c’est être un artiste qui considère l’autre personne comme une œuvre d’art de qualité. Vous l’appréciez très profondément, reconnaissant chaque nuance, chaque indice de l’être intérieur de cette personne. Pour réaliser un tel point de vue, vous devez évoluer, grandir en tant qu’être humain ; pour apprécier réellement les aspects les plus fins de chaque personne, vous devez élever votre propre niveau de conscience . » (Ohashi, 1997). L’approche orientale ne serait pas de prescrire un médicament, mais de proposer des modifications dans le mode de vie du patient, comme dans celui du thérapeute.

La psychologie de la forme : la formation de gestalts

L’un des aspects de la psychologie de la forme est sa conception holistique, du terme « holisme » créé par Jan Smuts en 1926. Selon cette conception à la fois scientifique et philosophique, « la personne est conçue comme un indissociable ensemble psychocorporel, voire spirituel » (Salathé, 1998), et il existe « la tendance dans la nature à constituer des ensembles qui sont supérieurs à la somme de leurs parties, au travers de l’évolution créatrice », concept qui inspirera la Gestalt-thérapie, notamment avec son objectif de «réintégrer toutes les parties de la personnalité » (Petit, 1984).  L’utilisation du mot allemand Gestalt, souvent traduit par ‘forme’, est dû à « Kohler, qui, en collaboration avec son équipe de psychologues (Kofka, Lewin) tentait, à partir de la perception, de mettre en évidence le processus mental qui permet de dégager une ‘forme significative’ de la somme très grande d’informations qui nous parvient. » (Ambrosi, 1984). Ce travail sur la perception sera à l’origine de la Gestalt-Théorie : notre perception est le résultat de processus psychologiques de mise en forme par notre organisme, des éléments de notre environnement. D’autre part, ce processus est organisé en « un système continuel d’émergence, de mise en forme, de prise de sens, puis de destruction d’une succession d’ensembles significatifs, un mouvement perpétuel figure/fond. ». (Salathé, 1998). Il en découlera l’une des lois de la Gestalt, basée sur le postulat « qu’un système montre la tendance vers une harmonie entre toutes ses qualités pour permettre une perception ou conception concise et claire : la loi de la bonne forme ». 

Qu’est-ce qu’une gestalt ? A partir des éléments ci-dessus, en gestalt-thérapie, c’est une totalité, un processus complet, qui correspond à la satisfaction d’un besoin. C’est l’observateur qui « crée » la forme : ce qui est perçu (la figure), doit être différencié de son environnement (le fond).  « La formation de Gestalts complètes et compréhensibles est la condition de la santé mentale et du développement. Seule une Gestalt achevée peut être organisée comme une unité qui fonctionne automatiquement (réflexe) dans l’organisme tout entier. Toute gestalt incomplète représente une ‘situation inachevée’, qui réclame de l’attention et interfère avec la formation d’une gestalt nouvelle, vitale. A la place de la croissance et du développement, nous trouvons alors stagnation et régression » (Perls 2001). Ainsi, dans cette perspective, « Perls a continuellement encouragé l’expression des émotions » (Shepard, 2014), une émotion retenue étant considérée comme un besoin non satisfait, et donc une gestalt inachevée. 

Qu’est-ce qu’une gestalt inachevée ? C’est Bluma Zeigarnik  qui a étudié le « processus des gestalts inachevées pour montrer leur charge de tensions pouvant influencer non seulement le comportement et la mémoire mais la totalité de l’aire intrapsychique de la personnalité » (Gelabert, 2002). Nous pouvons imaginer les conséquences de ces tensions, énergivores, sur la capacité, non seulement à être entièrement présent à soi et au monde, mais aussi à effectuer des choix ajustés. Perls orientera la faculté de concentration et la focalisation sur l’observation et la recherche des besoins non satisfaits. Il signale aussi  « l’importance des rituels, dans certaines circonstances, qui permettent de donner de la clarté à la gestalt, et de mieux en appréhender la fin » (Perls, 2003).

Une gestalt est dite « fixée » lorsque les besoins et leur satisfaction n’ont pas été ajustés. Nos ajustements créateurs ou conservateurs ne sont pas seulement d’ordre intellectuel et psychologique ; ils sont inscrits dans notre corps, et c’est aussi ce que les clients donnent à voir ou à ressentir en séance comme matière première du travail thérapeutique.

Les travaux de Reich sur les processus corporels

L’un des aspects de la psychologie de la forme est sa conception holistique, du terme « holisme » créé par Jan Smuts en 1926. Selon cette conception à la fois scientifique et philosophique, « la personne est conçue comme un indissociable ensemble psychocorporel, voire spirituel » (Salathé, 1998), et il existe « la tendance dans la nature à constituer des ensembles qui sont supérieurs à la somme de leurs parties, au travers de l’évolution créatrice », concept qui inspirera la Gestalt-thérapie, notamment avec son objectif de «réintégrer toutes les parties de la personnalité » (Petit, 1984).  L’utilisation du mot allemand Gestalt, souvent traduit par ‘forme’, est dû à « Kohler, qui, en collaboration avec son équipe de psychologues (Kofka, Lewin) tentait, à partir de la perception, de mettre en évidence le processus mental qui permet de dégager une ‘forme significative’ de la somme très grande d’informations qui nous parvient. » (Ambrosi, 1984). Ce travail sur la perception sera à l’origine de la Gestalt-Théorie : notre perception est le résultat de processus psychologiques de mise en forme par notre organisme, des éléments de notre environnement. D’autre part, ce processus est organisé en « un système continuel d’émergence, de mise en forme, de prise de sens, puis de destruction d’une succession d’ensembles significatifs, un mouvement perpétuel figure/fond. ». (Salathé, 1998). Il en découlera l’une des lois de la Gestalt, basée sur le postulat « qu’un système montre la tendance vers une harmonie entre toutes ses qualités pour permettre une perception ou conception concise et claire : la loi de la bonne forme ». 

Qu’est-ce qu’une gestalt ? A partir des éléments ci-dessus, en gestalt-thérapie, c’est une totalité, un processus complet, qui correspond à la satisfaction d’un besoin. C’est l’observateur qui « crée » la forme : ce qui est perçu (la figure), doit être différencié de son environnement (le fond).  « La formation de Gestalts complètes et compréhensibles est la condition de la santé mentale et du développement. Seule une Gestalt achevée peut être organisée comme une unité qui fonctionne automatiquement (réflexe) dans l’organisme tout entier. Toute gestalt incomplète représente une ‘situation inachevée’, qui réclame de l’attention et interfère avec la formation d’une gestalt nouvelle, vitale. A la place de la croissance et du développement, nous trouvons alors stagnation et régression » (Perls 2001). Ainsi, dans cette perspective, « Perls a continuellement encouragé l’expression des émotions » (Shepard, 2014), une émotion retenue étant considérée comme un besoin non satisfait, et donc une gestalt inachevée. 

Qu’est-ce qu’une gestalt inachevée ? C’est Bluma Zeigarnik  qui a étudié le « processus des gestalts inachevées pour montrer leur charge de tensions pouvant influencer non seulement le comportement et la mémoire mais la totalité de l’aire intrapsychique de la personnalité » (Gelabert, 2002). Nous pouvons imaginer les conséquences de ces tensions, énergivores, sur la capacité, non seulement à être entièrement présent à soi et au monde, mais aussi à effectuer des choix ajustés. Perls orientera la faculté de concentration et la focalisation sur l’observation et la recherche des besoins non satisfaits. Il signale aussi  « l’importance des rituels, dans certaines circonstances, qui permettent de donner de la clarté à la gestalt, et de mieux en appréhender la fin » (Perls, 2003).

Une gestalt est dite « fixée » lorsque les besoins et leur satisfaction n’ont pas été ajustés. Nos ajustements créateurs ou conservateurs ne sont pas seulement d’ordre intellectuel et psychologique ; ils sont inscrits dans notre corps, et c’est aussi ce que les clients donnent à voir ou à ressentir en séance comme matière première du travail thérapeutique.

Le courant de la psychologie humaniste

Le courant psychanalytique a été suivi du courant comportementaliste, basé sur la psychologie scientifique . Un troisième courant, le courant humaniste, introduit par Maslow , vise à rendre à l’homme la responsabilité de ses choix et à réhabiliter ses valeurs. Ce courant est bâti sur le paradigme  selon lequel la nature humaine croît et évolue tout au long de la vie, avec en elle, des potentialités, une capacité de créativité  renouvelée, mais que la société occidentale étouffe. C’est sur ce fond de rébellion que la Gestalt-thérapie se développe, pour prendre en compte, dans le moment, l’ensemble de la personne, que ce soit au niveau intellectuel, émotionnel, corporel ou spirituel. En ce sens, elle est une psychothérapie holistique. Elle cherchera à faire prendre conscience  de comment la personne perçoit, organise, utilise son environnement et répète parfois des situations et des comportements qui sont souffrants. Comment est-ce que la personne perçoit, par son corps, son environnement ?; quelles représentations mentales s’en fait-elle, et comment agit-elle par rapport à lui ?

« Et c’est le sentiment de plénitude, de réalisation de soi, éprouvé singulièrement à tous les niveaux de l’être, qui est le meilleur critère de l’équilibre et de la santé. La psychologie humaniste ne cherche donc pas à proposer des catégories de pathologies, mais à permettre à chaque personne de vivre plus pleinement et plus librement, d’épanouir toutes ses potentialités et d’être l’auteur de sa vie, en mettant l’accent sur les notions de croissance, d’autonomie  et de responsabilité. Elle vise à accroître son champ de liberté, et son pouvoir de décision » (Marc E. in Masquelier, 1999).

Sources : Monique Collier, extrait du mémoire de fin d’études : « L’Apport de la Gestalt dans la capacité à effectuer des choix ajustés »

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